Moi, j’aime le music-hall

(Paru le 4 septembre 1974 dans l’Aurore.)

 C’est l’histoire d’un mec… un mec pas… non !… un mec normal.
Je suis né à
Paris, dans le quatorzième, j’ai été élevé à Montrouge, j’ai vingt-six ans (je vais pas tarder à les avoir), je mesure 1,72 mètre et pèse 86 petits kilos.
Après de brillantes études primaires (oh ! combien !) qui me conduisirent à chuter au certificat d’étude (CEP), je décidai de ne pas commettre l’erreur de retourner à l’école afin de ne plus connaître l’horreur de l’échec. J’entrai aux PTT comme télégraphiste. On me conseilla rapidement de démissionner. Alors j’entrepris plusieurs apprentissages dans différentes professions (quatorze en tout !) : photographe, garçon de café, fleuriste, marchand de légumes… et puis j’entrai à l’usine comme manutentionnaire. Je ne suis pas mécontent d’en être sorti.
A force de traîner le soir du côté de la Contrescarpe, j’ai fini par apprendre à jouer de la guitare, à chanter, et un jour j’ai sauté le mur qui me séparait de la vie d’artiste à laquelle je rêvais.
J’ai commencé par chanter dans un restau, « Le Vieux Bistro », dans l’île de la Cité, puis dans un autre.
Un jour j’entre dans un cabaret pour chanter ; on m’engage pour faire la vaisselle. Je reste là plusieurs mois et j’y fais mes débuts de chanteur.
Il y avait là deux jeunes qui venaient chanter le soir : Jo Moustaki et Maxime Leforestier. C’est là aussi qu’on m’a donné ce surnom : Coluche.
Après ce cabaret j’en fais d’autres comme chanteur, puis dans l’un d’eux je rencontre Romain Bouteille qui m’emmène avec lui dans son « Café de la Gare ». Il m’apprend à jouer ainsi qu’à d’autres (Miou-Miou, Patrick Dewaere).
Plus tard, je quitte le « Café de la Gare » et avec des copains nous fondons « Le Vrai Chic parisien » et, ensemble montons successivement Thérèse est triste au TTX 75 (Olympia), Ginette Lacaze 1960 que Dick Rivers choisit comme première partie de son Rock’n’Roll Show à l’olympia. (Je peux dire qu’à cette époque personne n’y croyait et qu’il nous a imposés de force.)
Ensuite un troisième pièce : Introduction à l’esthétique fondamentale. Mais une troupe, ça n’est pas facile à faire vivre, les rapports y sont délicats et moi je ne le suis guère. On se sépare, et je fais cavalier seul… par force.
Ce qui me fait le plus rire ce sont les comiques qui s’ignorent : la télé. La télé, c’est bourré de gags, mais tellement qu’on ne peut pas les reproduire. Les gens croiraient qu’on invente.
Par exemple, après un petit film pour promouvoir une campagne au profit des aveugles, une speakerine déclare : « Nous tâcherons de ne pas rester sourd à cet appel. » Ca je l’ai vu et entendu.
Mais j’aime bien aussi les comiques qui ne s’ignorent pas. Au cinéma ma préférence va à Jacques Tati. Play Time est mon meilleur souvenir. Au music-hall j’aime surtout Raymond Devos. J’aimais beaucoup Fernand Raynaud.
Voilà en gros… mon premier disque vient de sortir… j’inaugure le « Caf’Conc’ de Paris », un nouvel endroit des Champs-Élysées où je pense bien m’amuser. Je prépare un show-télé (fin octobre, 1ère chaîne, réalisé par A. Flédérick).
Parlons de mes égouts et de mes couleuvres :
- J’aime flâner sur les Grands Boulevards ;
- J’aime Paris au mois de mai ;
- J’aime bien mes dindons ;
- J’aime mieux mes moutons ;
- J’aime le jambon et la saucisse ;
- Je hais les dimanches.
Moi j’aime le music-hall !

Coluche

 

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